Télématins : la Promesse

Monkey Cabinet Ktorza

Dans une lettre circulaire du 5 octobre, FTV s’engage, auprès de chaque salarié menacé de transfert chez FTV-Studio, à plein de choses…

Pour apprécier la réalité et le contenu exacts des « garanties contractuelles » annoncées, confrontons-les aux garanties d’ores et déjà prévues par la loi. Revue des 8 mesures proposées :

1. L’ancienneté acquise par le salarié sera conservée dans son intégralité.

> Lorsque le contrat de travail est transféré « de droit », d’un employeur à un autre, alors l’ancienneté de services chez le premier employeur est obligatoirement reprise par le second.

> Or FTV soutient que le transfert du contrat de travail est « de droit ».

> En conséquence, l’ancienneté sera obligatoirement reprise par FTV-Studio.

Donc, sur ce point, FTV ne donne aucun avantage au salarié. Que la reprise d’ancienneté soit ou non stipulée « contractuellement » est indifférent. 

2. Le brut annuel de la rémunération est garanti. 

> Lorsque le contrat de travail est transféré « de droit », d’un employeur à un autre, alors la rémunération chez le premier employeur est obligatoirement maintenue chez le second.

> Or FTV soutient que le transfert du contrat de travail est « de droit ».

> En conséquence, le montant de la dernière rémunération annuelle perçue chez FTV est garanti par la loi au sein de FTV-Studio.

Sur ce deuxième point, FTV ne donne pas non plus quelque avantage que ce soit au salarié. 

3. L’actuel régime du temps de travail ( forfait annuel, RTT… ) est garanti

> Le régime du temps de travail interne à une entreprise, quand il prévoit des forfaits annuels, résulte obligatoirement d’un accord signé entre la direction et les syndicats. 

> Or FTV et FTV-Studio sont deux entreprises distinctes.

> En conséquence, le régime du temps de travail des salariés transférés de FTV à FTV-Studio sera celui appliqué à FTV-Studio, à l’exclusion de tout autre.

4. Les actuelles règles FTV de calcul des indemnités de départ seront maintenues  

> Tous les salariés d’une même entreprise doivent être couverts par la même norme collective.

> Si chaque salarié transféré se voit accorder, par contrat, un meilleur calcul d’indemnité de départ, cet avantage individuel équivaudrait à un avantage collectif, réservé aux « ex-FTV ». 

> Il est juridiquement impossible de prévoir deux dispositifs différents d’indemnités de départ, au sein de FTV-Studio, l’un pour les « anciens » et l’autre pour les « transférés ».

Cette hypothèse est analysée plus en détail, jurisprudence à l’appui, sur le blog CGC Media de France Télévisons ( chronique du samedi 9 octobre 2021 ).

Précision : la formule « indemnités de départ » n’a pas de sens juridique. Le droit social désigne les indemnités dues en, cas de rupture du contrat de travail selon leur fonction : indemnité de préavis, de licenciement, de retraite, transactionnelle… Une « indemnité de départ » n’est pas, en droit, la somme de toutes les indemnités possibles et, en particulier, n’est pas le synonyme d’ « indemnité de licenciement ». A bon entendeur…

5. Les clauses particulières de chaque contrat de travail seront maintenues. 

> Lorsque le contrat de travail est transféré « de droit », d’un employeur à un autre, alors les clauses qui y figurent sont obligatoirement maintenues chez le second.

> Or FTV soutient que le transfert du contrat de travail est « de droit ».

> En conséquence, les clauses particulières de chaque contrat de travail seront maintenues.

Donc, sur ce 5ème point, FTV ne donne toujours aucun avantage que ce soit au salarié : il n’est nul besoin de signer une nouvelle clause exprimant que les anciennes sont maintenues. 

6. Le salarié transféré continuera à bénéficier du CI-ORTF. 

> Le CSE de FTV-Studio a le monopole de gestion des activités sociales et culturelles de FTV-Studio. Et la loi interdit aux employeurs de s’immiscer dans cette gestion. 

> Or selon les informations dont nous disposons, le CSE de FTV-Studio n’est pas adhérent du Comité Inter-entreprises de l’ex-ORTF ( CI-ORTF ).

> Il s’en suit que les salariés de FTV-Studio n’ont pas accès au CI-ORTF. Pour qu’ils y aient accès, il faudrait une décision des syndicats. La direction de FTV-Studio ne pourrait d’y substituer. La direction de FTV, encore moins !  

7. La direction garantit la sécurité d’emploi en s’interdisant de licencier pour cause économique 

> Le licenciement économique est un droit pour les salariés. Il doit être opéré par l’employeur en faveur des salariés qui n’entendent pas s’installer à un autre poste quand le leur est supprimé.

> Si FTV-Studio supprime un magazine, la loi l’oblige à respecter ce point fondamental du droit du licenciement économique. 

> Que FTV le lui interdise ou pas, FTV-Studio devra licencier pour cause économique les collaborateurs des magazines supprimés qui ne désirent pas continuer à travailler pour la filiale. 

8. En cas de suppression de poste, FTV-Studio proposera un emploi du même type.

> Le reclassement est un droit du salarié dont le poste est supprimé. La direction RH doit lui proposer tout emploi disponible en rapport avec ses compétences.

> En cas de suppression d’un magazine ou d’un poste au sein du magazine, FTV-Studio doit travailler au reclassement du salarié, en son sein, au sein du groupe FTV, enfin au sein des autres entreprises de l’audiovisuel public.

> L’engagement de FTV de faire proposer par sa filiale un ( un seul ! ) emploi de même type, n’apporte aucune garantie par rapport à la loi.

En fait, cette 8ème et dernière mesure est le contraire d’une garantie, elle se situe en retrait par rapport à la loi !

~ Difficile d’intégrer cette idée, que toutes les garanties sont réalité monnaie de singe !

C’est pourtant ce que nous devons conclure, en toute objectivité. Même si l’on se situe dans la thèse de FTV, « transfert de droit des contrats de travail » ( cf sur la valeur de cette thèse notre chronique Le Code du travail impose le transfert des Télématins : info ou intox ), la lettre du 5 octobre est, au mieux, redondante par rapport aux garanties légales qui accompagneraient le salarié, et au pire, trompeuse voire réductrice.

~ Mais alors, pourquoi cette mystification par rapport au droit des gens ?

Parce que cette lettre ne recherche, ni de près ni de loin, à s’inscrire dans la loi. Son propos est, traitant les salariés comme des cibles, de leur arracher l’acceptation du transfert. 

Ces cibles ( les salariés ) sont regardées comme de banals acteurs économiques, dont il n’est pas immoral de profiter de la relative faiblesse face à une grosse structure.

~ La loi du plus fort ?

Disons la loi du marché, selon laquelle on peut imposer son contrat, ses conditions et son agenda au plus faible.

~ Donc, on oublie le droit du travail, on remplace par la loi du marché ?

Exact. Les rédacteurs de la lettre du 5 octobre se situent dans une logique économique, celle du deal gagnant-gagnant. 

~ Mais qu’est-ce que chacun gagne, dans cette lettre ?

C’est simple. Si tout se passe comme l’envisage la lettre, alors :

FTV, conscient que le transfert n’a rien d’obligatoire, y gagne l’accord du salarié-cible.

Le salarié y gagne les « 8 promesses », et la fierté de participer à un titanesque défi : le renforcement du groupe public dans un monde en pleine mutation. 

~ Trop cool.

Photo : AnoukDéqué
Texte principal : Oury Attia
Texte en second : Capucine Cueye
Maquette : Nimtsa Web Design

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