ooViiz : vie et mort de l’intermittent ou du journaliste sur la plateforme

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Le présent article est établi sur la base des conditions générales de vente et des conditions générales d’utilisation de la plateforme ooViiz, en vigueur au 1er mai 2020.

Combien de fois au cours de la dernière année avez-vous poursuivi une recherche Google jusqu’à la page 4 ? Rarement, n’est-ce pas ? Statistiquement, la profondeur moyenne d’une recherche ne dépasse pas 30 lignes, l’équivalent de 3 pages sur votre écran.

Autrement dit, quand le moteur de recherche ooViiz présente à un employeur la liste des candidats disponibles pour une mission, vous avez furieusement intérêt à figurer parmi les premiers noms qui apparaissent à l’écran. C’est le nouvel impératif de la recherche d’emploi dans l’univers uberisé.

C’est pourquoi les critères du classement opéré par l’automate d’ooViiz sont déterminants. Ledit automate est alimenté par des instructions discriminantes, sous formes d’algorithmes.

Nous allons en rappeler brièvement les principales :

  • La disponibilité

Plus le candidat est disponible, et surtout plus l’est rapidement, et plus il figurera en haut du classement. L’algorithme de réactivité lui attribue une note. Dans sa communication, ooViiz ne dissimule guère qu’en cas de non réponse du candidat dans un délai de 4 jours, la note sera exécrable.

Concrètement, le candidat devra surveiller en permanence son appli pour répondre dans la minute aux offres, comme chacun d’entre nous sait que quelque part un humain répond dans les secondes qui suivent notre commande de course au service Uber.

  • Le prix

Sur ce point, ooViiz ne communique pas. On ignore donc si un algorithme va relever et apprécier le montant du cachet ou de la pige qu’est prêt à accepter un candidat.

Mais… sachant que les plateformes évaluent le prix comparé de l’offre et de la demande pour discriminer produits et services, pourquoi en irait-il autrement quand le service est du travail humain ? Libre à chacun de croire que les plateformes telles que ooViiz s’en privent.

Nous avons pu vérifier auprès de développeurs de moteurs de ce type qu’un algorithme calculant le prix moyen accepté par un intermittent ou un journaliste sur ses dernières missions, était extrêmement simple à mettre en place.

Il est tristement symptomatique de constater que les conditions générales de ooViiz obligent les employeurs à ne proposer « que » des missions rémunérées… Ce qui rassurera les intermittents en souffrance d’heures à l’approche de la date anniversaire du recalcul de leurs droits…

  • Les appréciations des employeurs

La plateforme prévoit que les opérateurs pourront noter l’intermittent ou le journaliste, note que pourront consulter les employeurs ultérieurs. On savait déjà que les permittents de France Télévisions devaient leur place au planning à la condition de ne pas être mal notés par le management. Avec ooViiz, le petit crime de bureau sera vraiment parfait : la mauvaise appréciation exclura le travailleur de tous les plannings de l’opérateur.

  • L’exclusion du site

Selon le modèle économique choisi par ooViiz, seul l’opérateur est facturé. Le service est gratuit pour le travailleur. De ce fait, la plateforme n’en est que plus à l’aise pour justifier un libre déréférencement. C’est une forme de logique que de dire, « tu ne payes aucun service, tu es invité chez moi, je reste libre de te sortir de mon chez-moi ».

Or le combat du travailleur pour des garanties sociales minimales (cf notre premier article sur la requalification des travailleurs en salariés) se déclenche presque toujours, à la suite du déréférencement. Donc cet événement est sensible pour la plateforme.

Officiellement une plateforme ne déréférence pas un travailleur. La propagande est que les mauvais comportements ou mauvais résultats sont seulement sanctionnés par de mauvaises notes. Donc, en théorie, le bad boy ou la bad girl disparait naturellement parce qu‘il s’enfonce tellement dans les profondeurs du classement, submergé de critiques défavorables, que ses probabilités de trouver une mission s’amoindriront et s’éteindront de façon naturelle.

Dans les faits, ooViiz s’octroie le droit de déréférencer un candidat dans trois séries de cas : (i) déconnexion au seul gré de la plateforme puisque qu’aucune obligation n’est souscrite envers le candidat, (ii) déconnexion pour infraction aux règles et usages de la communauté des membres, (iii) au-delà du respect des règles, déconnexion pour comportement « inacceptable ».

Comment savoir si le déréférencement est un acte volontaire des responsables de la plateforme ou une action automatique résultant des algorithmes ? Dans tous les cas de figure, la plateforme, ses règles, son arbitraire, vont gouverner le destin professionnel du journaliste ou de l’intermittent.

Conclusion

L’ambition à peine inavouée de ooViiz serait de figurer sur le marché comme le « Google de l’intermittent ». Pour l’intermittent ou le journaliste de l’audiovisuel, ce serait un cauchemar : se faire exclure de la plateforme reviendrait à une exclusion du secteur.

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