L’art de la défausse (2/4). La DRH missionne des psychologues extérieurs pour entendre la souffrance des futurs transférés. Un émouvant geste d’humanité…
Un accident du travail ?
Imaginez-vous piéton serein sur un passage protégé.
Un chauffard fonce sur vous.
Il ne dévie pas de sa trajectoire, c’est délibérément qu’il vous renverse.
Tandis que, malgré le choc, vous reprenez tant que faire se peut vos esprits, le voilà qui se penche vers vous, vous maintient au sol le temps de vous expliquer la vie d’un ton neutre :
« Ce n’est que du business vous comprenez ? »
Et de dégainer son mobile pour alerter le SAMU psychiatrique.
Et là vous vous réveillez, avec un sentiment pénible qui embrume votre conscience :
Que diable signifie ce cauchemar ?
Voilà voilà, fin de l’exercice d’imagination.
Une seule ligne en est fausse, la dernière bien sûr. Faut-il vraiment expliciter ce cauchemar ?
L’agression est bien réelle, vous la vivez en direct.
A cet égard, ce que vous, futurs transférés, nous confiez a notamment le mérite de la clarté :
Avant la restitution des psys, voici la nôtre
Vous voulez des garanties, pas une assistance psychologique.
Prétendre vous faire exprimer peu importe quoi en groupe de parole, avec rapport du coach à l’employeur, c’est vous prendre au pire pour des « débiles » ( sic ), au mieux pour des « alcooliques anonymes » ( re-sic ).
Vous ne vous sentez pas malades, vous ne questionnez pas votre « positionnement professionnel » quand vous êtes en train de faire votre travail, vous pensez que tout ce branle-bas de combat pour des groupes de parole n’a d’autre but que de « permettre à France Télévisions de se décharger de sa responsabilité ».
En résumé, votre position est sans équivoque : vous voulez que vos conditions d’emploi, ainsi que les règles qui gouvernent votre carrière, soient garanties, sur votre magazine tant qu’il existera et sur France Télévisions après…
Pourquoi essaie-t-on de vous faire pleurer à chaudes larmes au lieu d’entendre votre revendication ?
Pour une raison simple : votre revendication met en danger le service RH. Explication.
La direction RH a une responsabilité essentielle, qui lui est déléguée par le Chef d’entreprise : assurer le respect de la réglementation sociale vis-à-vis des salariés. Cette mission lui incombe notamment en cas d’externalisation d’une activité.
L’infraction fondamentale de la direction RH dans la délégation à FTV.Studio d’une partie des activités de production, est de forcer les salariés, au lieu d’expliquer à la direction générale qu’ils ont droit de choisir, de suivre chez le sous-traitant ou de rester chez leur employeur.
Ensuite, deuxième infraction : les managers RH concernés, au lieu d’assumer leurs obligations d’information et de conseil vis à vis des salariés qui leurs font confiance, les ont désinformés. Sur les données économiques, sur leur droit au maintien dans l’entreprise, sur les effets juridiques d’un éventuel refus de transfert, sur leur sort après transfert. Bref, sur tout.
Enfin ( si l’on peut dire ), troisième infraction : le service RH oppose actuellement un refus obstiné aux demandes, légalement justifiées, des salariés concernés, en terme de mobilité, de formation, d’aménagement de poste. Au contraire, ces salariés se heurtent à un discours qui consiste finalement à leur montrer la porte.
In fine, le service RH place les gens dans une nasse : négation de leur droit à opter, désinformation, refus d’évolution individuelle dans FTV, il ne reste plus qu’à accepter de renoncer sans contrepartie et sous la menace à leur droit de salarié sur France Télévisions.
Dans ce contexte, les responsabilités, tant celle, générale, du chef d’entreprise, que celles, individuelles, des chauffards, sont en jeu.
Ce que tente de faire la direction RH en nommant des psychologues, c’est finalement, comme l’ont parfaitement compris les salariés qui nous ont confiés leur analyse, d’évacuer sa responsabilité en clamant avoir pris toutes les mesures d’accompagnement possibles.
La désignation de JLO par l’agresseur pour soigner ses propres victimes, apparaît ainsi à la fois comme une démonstration de cynisme, et un cas exemplaire de défausse.
Photo : decalage78
Texte : Oury Attia, Joyce Ktorza
Maquette : Nimtsa Web Design