La Rupture Conventionnelle Collective, comment ça marche ?

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Technicien et Technicienne, Personnel administratif, Journaliste, salariés de France Télévisions branchés sur l’actualité de votre Entreprise, vous vous posez la question suivante :

La Rupture Conventionnelle Collective, comment ça marche ?

1) Définition

Il s’agit d’un dispositif permettant à l’employeur de proposer collectivement au Personnel une rupture du contrat de travail comportant des indemnités financières.

L’information fondamentale à retenir :

Le salarié doit donner son accord quant à son départ de l’Entreprise.

La Direction de France Télévisions a largement communiqué sur ses intentions de procéder à un « dégraissage » massif de ses effectifs. De fait, il est déjà mis en œuvre depuis plusieurs années.

Il apparaît que France Télévisions entend accélérer le processus de compression de son personnel.

L’initiation d’une Rupture Conventionnelle Collective « RCC » s’inscrit dans ce cadre.

A l’issue de cette procédure de RCC, France Télévisions pourrait constater que les salariés ayant quitté l’Entreprise en signant cette rupture, n’ont pas été assez nombreux au regard des prévisions de l’Entreprise en terme de réduction des effectifs.

L’employeur ne devrait pas pour autant s’écarter de sa cible, c’est-à-dire de faire partir un grand nombre de salariés.

France Télévisions devra dès lors :

. soit procéder au lancement d’une nouvelle RCC, à des conditions de départ plus avantageuses, la première RCC n’ayant pas été plébiscitée par un nombre suffisant de salariés ;

. soit initier une procédure de « Plan Social », autrement dit des licenciements économiques collectifs. Mais pour cela, il lui faudra remplir deux conditions : caractériser des difficultés économiques et avoir tenté de reclasser en interne les salariés visés par le Plan Social. France Télévisions ne semble pas pouvoir réunir ces deux conditions.

Si France Télévisions ne relance pas une nouvelle RCC et refuse de mettre en place un « Plan Social », il lui restera, pour atteindre son objectif de réduction du Personnel, à négocier, individuellement, les départs des salariés.

Avantages pour France Télévisions quant à la mise en place d’une RCC :

. l’employeur n’a pas besoin de justifier de difficultés économiques ;

. l’employeur ne met pas en place un plan de reclassements internes ;

. l’employeur peut réembaucher immédiatement sur le poste occupé par le salarié qui s’est porté volontaire au départ dans le cadre de la RCC ;

. l’employeur n’a pas l’obligation d’embaucher à l’avenir et par priorité, le salarié sorti des effectifs dans le cadre d’une RCC ;

. la procédure de RCC est rapide : entre 2 et 3 mois en moyenne ;

. France Télévisions ne règle pas de préavis au salarié.

(Pour mémoire, l’Accord d’Entreprise de France Télévisions du 28 mai 2013, prévoit au titre du préavis :

  • pour les Journalistes et les Cadres : 3 mois
  • pour les non-Cadres : 2 mois)

2) Contenu obligatoire de l’Accord collectif prévoyant la RCC

L’Accord collectif portant RCC doit déterminer :

. les modalités et conditions d’information du Comité Social et Economique (ex-Comité d’Entreprise) ;

. le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées ;

. les conditions que doit remplir le salarié pour bénéficier du dispositif RCC (pour exemple : condition d’ancienneté) ;

. les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’Accord collectif ;

. les modalités de conclusion d’une convention individuelle de rupture entre l’employeur et le salarié et l’exercice du droit de rétractation des parties ;

. les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;

. des mesures visant au reclassement externe des salariés, autrement dit hors périmètre du Groupe France Télévisions (pour exemple : action de formation, validation des acquis de l’expérience, action de reconversion ou action de soutien de la création d’activité nouvelle ou reprise d’activité du salarié, etc.) ;

. les modalités de calcul des indemnités de rupture versées au salarié dans le cadre de la RCC.

3) Les indemnités de rupture versées au salarié en cas de RCC

1° Définition des indemnités

L’employeur devra indiquer dans l’Accord collectif RCC les modalités de calcul des indemnités qui seront versées aux salariés qui se porteront candidat au départ.

Les indemnités de rupture versées dans le cadre d’une RCC, ne peuvent pas être inférieures aux indemnités légales de licenciement.

Autrement dit, les indemnités de rupture dans le cadre d’une RCC, sont au moins égal à :

  • 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;
  • 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

(Par mois de salaire, la loi entend la rémunération brute dont le salarié disposait antérieurement à la rupture de contrat de travail.)

. Remarque spécifique pour les Journalistes :

Le Journaliste qui quittera France Télévisions dans le cadre d’une RCC en percevant les indemnités prévues à la RCC, ne pourra pas saisir la Commission arbitrale pour la fixation de l’indemnité de licenciement des Journalistes.

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Ainsi, France Télévisions n’est pas contrainte par la loi de prévoir aux termes de la RCC, des indemnités qui seraient égales ou supérieures à celles prévues par l’Accord d’Entreprise France Télévisions du 28 mai 2013.

. Pour mémoire, l’indemnité conventionnelle de licenciement, aux termes de l’Accord d’Entreprise de France Télévisions du 28 mai 2013, est ainsi définie :

. pour le Personnel Technique et Administratif (PTA), hors Journaliste :

  • 1 mois de salaire de référence pour la tranche comprise entre 1 et 12 ans de présence par année d’ancienneté ;
  • 3/4 de mois de salaire de référence pour la tranche comprise entre 12 et 20 ans de présence par année d’ancienneté ;
  • 1/2 de mois de salaire de référence pour la tranche comprise entre 20 et 30 ans de présence par année d’ancienneté ;
  • 1/4 de mois de salaire de référence pour la tranche au-delà de 30 ans de présence par année d’ancienneté.

Le montant de l’indemnité de licenciement versée au Personnel Technique Administratif (PTA) de France Télévisions prévue à l’Accord d’Entreprise, ne peut excéder 24 mois de salaire.

Le salaire de référence s’entend en brut et comprend, au sein de France Télévisions : le salaire de base, la prime d’ancienneté, les compléments de salaire à caractère permanent (pour exemple : le supplément familial et la part variable), hors prime exceptionnelle.

. Indemnité de licenciement des Journalistes :

Tout Journaliste licencié percevra une indemnité calculée conformément aux dispositions du Code du travail pour ce métier (1 mois de salaire de référence brut par année d’ancienneté, toute année commencée étant due, dans la limite de 15 mois).

Par ailleurs et conformément aux dispositions du Code du travail, pour tout Journaliste dont l’ancienneté est supérieure à 15 ans, le montant de l’indemnité de licenciement due est déterminé par la Commission arbitrale.

En plus de l’indemnité de licenciement des Journalistes telle que visées ci-dessus, le Journaliste de France Télévisions qui est licencié, bénéficie d’une indemnité complémentaire ainsi calculée :

  • pour plus de 5 ans d’ancienneté : 4/12ème du salaire annuel de référence
  • pour plus de 10 ans d’ancienneté : 5/12ème et demi du salaire annuel de référence
  • pour plus de 15 ans d’ancienneté : 7/12ème du salaire annuel de référence

Le salaire annuel de référence brut comprend les éléments suivants : le salaire de base, la prime d’ancienneté, les compléments de salaire à caractère permanent (pour exemple : le supplément familial et la part variable), hors prime exceptionnelle.

Le salaire de référence brut pris en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement est le salaire annuel brut de référence divisé par 12.

2° Régime social des indemnités de rupture versées dans le cadre d’une RCC

Les indications figurant ci-dessus sont détaillées en fonction de la réglementation existante en 2019.

  • Pas de cotisations sociales sur une indemnité de rupture (RCC) inférieure ou égale à 81 048 €

Le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS) est, pour l’année 2019, de 40 524 €.

Autrement dit, l’Entreprise doit précompter les cotisations sociales sur la tranche de l’indemnité de rupture dépassant 2 PASS, soit la somme de 81 048 €.

  • Cotisations sociales dès le 1er euro si l’indemnité de rupture représente 10 fois le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS).

Si l’indemnité de RCC est égale ou dépasse 405 240 €, l’indemnité de rupture est entièrement soumise à cotisations sociales.

  • CSG-CRDS

L’indemnité de RCC est exonérée de CSG-CRDS si elle correspond à l’indemnité légale de licenciement.

(Pour mémoire :

. 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans

. 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans)

Si l’indemnité de RCC est supérieure à l’indemnité légale de licenciement, la CSG-CRDS s’appliquera sur la différence entre : l’indemnité légale et l’indemnité de la RCC.

3° Régime fiscal

Il apparaît qu’en application de la réglementation actuelle, l’indemnité de la RCC n’est pas imposable.

4) Mise en place de l’Accord collectif prévoyant la RCC

Cet Accord collectif devra :

  1. être signé d’une ou plusieurs Organisations syndicales de salariés, représentatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d’Organisations représentatives au 1er tour des dernières élections des titulaires au Comité Social et Economique (ex-Comité d’Entreprise), quelque soit le nombre de votants.
  2. Faire l’objet d’une validation ou d’une acceptation tacite par le Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE), autrement dit par l’Administration du travail.

La validation ou l’acceptation tacite de l’Administration du travail intervient dans un  délai de 15 jours après l’envoi par l’Entreprise du dossier complet de RCC.

5) Mise en œuvre de la rupture conventionnelle pour le salarié

L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la RCC, emporte immédiatement rupture du contrat de travail.

Autrement dit, comme indiqué plus haut, il n’y a pas de préavis.

. Situation des salariés protégés :

Les salariés bénéficiant d’une protection spécifique (Délégués du personnel, Délégués syndicaux, membres élus du Comité d’Entreprise ou du Comité Social et Economique) peuvent se porter candidat à la RCC.

Si l’employeur retient la candidature du salarié « protégé », la rupture du contrat de travail devra être soumise à l’autorisation de l’Inspecteur du travail dans les mêmes conditions que s’il s’agissait d’un licenciement. Autrement dit, l’autorisation de l’Inspection du travail sera nécessaire.

Si l’autorisation de l’Inspection du travail est accordée, la rupture du contrat de travail ne pourra intervenir que le lendemain du jour de cette autorisation.

6) Le salarié quittant l’Entreprise dans le cadre de la RCC peut disposer des allocations chômage

Selon les indications du Ministère du Travail, le salarié quittant l’Entreprise à la suite d’une RCC, peut s’inscrire au Pôle Emploi et percevoir les allocations chômage.

7) Le dispositif RCC peut être contesté

. Contestation de l’Accord collectif prévoyant la RCC

Le recours contre le refus ou l’acceptation de l’Administration du travail quant à la validité de la RCC, est présenté devant le Juge administratif dans un délai de 2 mois par l’employeur à compter de la notification de la décision du DIRECCTE, ou par les Organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle la décision a été portée à leur connaissance par l’Administration du travail.

Le Tribunal administratif statue dans un délai de 3 mois. Si, à l’issue de ce délai, il ne s’est pas prononcé ou en cas d’appel, le litige est porté devant la Cour administrative d’appel qui statue dans un délai de 3 mois. Si à l’issue de ce délai, il ne s’est pas prononcé ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d’Etat.

. Le litige porte sur la Convention signée par le salarié et l’employeur

Si le litige ne porte pas sur l’Accord collectif prévoyant la RCC, mais sur la rupture du contrat de travail proprement dite intervenue à l’issue de la procédure de RCC, la contestation portant sur la rupture du contrat de travail doit être formée dans un délai de 12 mois à compter de la date de la rupture.

Là, c’est le Conseil de Prud’hommes qui est compétent.

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