France Télévisions – régularisation des CDD en CDI (1/3) : Qui a droit à régularisation ?

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Préambule : qu’entend-on par régularisation ?

Nous entendons par régularisation un processus destiné à corriger les conditions d’emploi d’un salarié victime d’infraction à la législation sur les CDD.

On sait, depuis un peu plus de vingt années que la juridiction correctionnelle s’est prononcée pour la première fois sur les successions de CDD appliquées au personnel « non permanent » de France Télévisions ( France 2 à l’époque ), qu’il s’agit d’un délit, engageant la responsabilité pénale des dirigeants.

Le salarié a donc droit, à tout moment pendant la collaboration, à un repositionnement sur le statut de droit commun de ses collègues, à savoir (i) un contrat à durée indéterminée et (ii) les droits résultant du statut de permanent au sein de France Télévisions.

Cette régularisation peut être opérée en interne, amiablement, avec les services RH. Ce processus de régularisation amiable sera examiné dans un deuxième article. En cas de résistance des services RH, le salarié et/ou son organisation syndicale peuvent recourir soit à la justice civile ou soit à la justice pénale. Ce processus de régularisation forcée sera examiné dans un troisième et dernier article.

Dans le présent article, nous allons examiner qui a droit à cette régularisation, selon le métier, l’ancienneté, le type de contrats précaires établis…

Quels métiers ?

Réponse : tous.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que les textes prohibant le CDD à vie s’appliquent à tous les métiers de la télévision publique,

de la présentatrice au réalisateur,

du conseiller artistique à la voix off,

du journaliste au technicien de diffusion,

du chef de car régie à l’OPS et du JRI à l’OPV,

du coiffeur perruquier à l’auteur de bandes annonces, etc…

En fait, ce que dit le juge, c’est que le droit au CDI ne dépend pas du métier mais des conditions d’exercice de ce métier. En clair : le CDD de journaliste est justifié quand il est appliqué à Alain Duhamel invité à commenter une soirée électorale, mais le CDD de journaliste répété à l’infini pour organiser un corps de personnel « non permanent », c’est impossible.

Donc, tous les salariés gérés administrativement par France Télévisions dans la catégorie des « non permanent » sont titulaires du droit à régularisation.

Quelle ancienneté ? Quel nombre de jours ?

Réponse : un jour.

Ce n’est pas l’ancienneté de services qui détermine le droit à un CDI.

En interne, des simili règles sont régulièrement édictées pour organiser des prévalences parmi les milliers de non permanents. On entend parler de CDD historiques, de collaborations de x jours dans l’entreprise ou y jours dans l’audiovisuel public, de seuils en années, en nombre de jours. Ces catégories, seraient-elles validées par la négociation syndicale, ne créent pas de droit ni de passe-droit, elles n’ont pour objet que de fournir une impression d’objectivité et de légitimation de la précarité.

Du point de vue légal – et jurisprudentiel, un jour ou vingt-cinq années de contrat(s) illicite(s) reçoivent la même analyse et donne identiquement lieu à requalification en CDI.

Ainsi, le juge a requalifié en CDI les contrats précaires de jeunes journalistes qui débutaient sur Télématin avant même la fin de leur cursus de leur école de journalisme. De même s’agissant des intermittents du spectacle : un animateur radio a obtenu sa requalification en CDI avec une ancienneté de trois mois.

En fait, chaque fois que l’assistante RH crée un matricule de non permanent et édite un premier CDD pour un nouveau collaborateur, elle se trompe ( inconsciemment ? ). Ce qu’elle devrait faire, selon la loi, c’est sortir de la bannette le formulaire de contrat correct : un CDI, avec période d’essai, naturellement.

Quels types de contrats précaires sont-ils prohibés ?

Réponse : tous.

Au fil des cas d’espèce, au cours des trente dernières années, le juge a statué en faveur de la requalification en CDI, s’agissant de tous les types de contrats de travail précaires imaginés et mis en place par les conseils juridiques des opérateurs publics : CDD d’usage ( CDDU ), CDD de renfort ou pour surcroit temporaire d’activité, CDD de remplacement, lettres d’engagement au cachet, contrats d’intermittents, contrats de pige, contrats de chantier, contrats d’émission, contrats de grille…

En fait, peu importe le type de contrat précaire utilisé par la RH, ce que le juge demande c’est que le salarié soit employé à durée indéterminée plutôt que « par alternance de périodes travaillées et non travaillées » ( selon expression des juges, pour traduire en langage juridique l’expression orwellienne « non permanent » ).

Et donc, les questions formelles à propos du contrat ou des contrats précaires – motif, date d’émission, signature, sont sans importance. Raison pour laquelle pratiquement plus aucun avocat de France Télévisions ne se fatigue à les soumettre au juge en cas de procès.

Enfin, précisons que les contrats passés avec les filiales et sous-traitants de France Télévisions sont soumis au même régime que ceux établis directement par les anciennes sociétés ( FR2, FR3,… ) fusionnées dans France Télévisions, ou la société France Télévisions elle-même.

Conclusion

Les accords d’entreprise négociés par France Télévisions pour encadrer l’emploi de salariés précaires, les contrats précaires eux-mêmes, les règles de carence et de seuils maximaux d’emploi, l’affiliation de salariés aux caisses sociales des intermittents du spectacle ou des pigistes, tous ces procédés plus ou moins artificiels par lesquels on a tenté de légitimer l’entretien d’un volet important de « non permanents » sont sans portée pour le juge. Le salarié affecté, même par intermittence, à un emploi permanent est un permanent. C’est ce que dit la jurisprudence, depuis plusieurs décennies, concernant la télévision publique.

Sources

Le droit, c’est ce que le juge juge. C’est pourquoi cet article n’a été établi ni sur la base d’un supposé savoir de juristes – seraient-ils experts, ni d’opinions sociales, ni d’interprétations partisanes ; il est le strict produit de l’analyse objective de plus de 3000 décisions judiciaires rendues dans le secteur de l’audiovisuel, dont plus de 1000 visent la télévision publique.

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